Covid 19 : maladie professionnelle, accident du travail ? Faute inexcusable ? Comment vous défendre…

Concernant l’obligation de sécurité de l’employeur, les premières décisions rendues en référé témoignent à cet égard d’une position sévère des juridictions, qui rapproche l’obligation de prévention pesant sur l’employeur d’une obligation de résultat, d’autant plus au vu du montant des astreintes qui peuvent assortir ces décisions (voir les décisions AMAZON notamment).

Il reste que dans un contexte de pandémie généralisée sur tout le territoire, où les directives gouvernementales sur la détermination des modalités de prévention appropriées évoluent au gré des recommandations des autorités médicales , et où les différents moyens de protection (gel hydroalcoolique, masques…) ne sont pas toujours disponibles, l’obligation de prévention impartie à l’employeur est particulièrement difficile à remplir.

C’est également sur le plan des accidents du travail et maladies professionnelles que le manquement à ces obligations de prévention risque d’être invoqué à l’encontre des entreprises, comme caractérisant une faute inexcusable, laquelle permet au salarié ou ses ayants droit en cas de décès d’obtenir des réparations complémentaires (majoration de rente et indemnisation des préjudices personnels).

Une telle action supposera la reconnaissance préalable du caractère professionnel de la contamination au Covid-19.

Quels arguments pour se défendre ?

Le Covid-19 est une maladie contagieuse susceptible d’avoir été contractée à tout moment et en tout lieu, donc pas spécifiquement au temps et au lieu du travail.

La qualification d’accident du travail peut paraître inappropriée dans la mesure où elle se caractérise par un évènement accidentel intervenu à une date certaine, ce qui exclut en principe les maladies contagieuses telles le Covid-19 dont l’origine et la date de contamination ne présentent, en période de pandémie, aucun caractère certain.

La demande de reconnaissance de la pathologie liée au Covid-19 en maladie professionnelle est également envisageable mais nécessitera là encore que soit établi le lien entre la contraction de cette maladie et le travail alors même qu’elle peut l’être, s’agissant d’une pandémie, en toutes circonstances.

En effet, le Covid-19 n’étant pas (actuellement) classé au tableau des maladies professionnelles, sa reconnaissance nécessitera, d’une part, qu’il en résulte pour la victime un taux d’incapacité permanente prévisible d’au moins 25 %, et, d’autre part, qu’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles conclut à l’existence d’un lien de causalité direct et essentiel avec le travail habituel du salarié.

Ce sont donc en particulier les milieux de travail entraînant des contacts étroits et prolongés avec des personnes elles-mêmes contaminées qui sont susceptibles d’aboutir à une telle qualification si un lien causal entre les deux pouvait être établi, et dès lors que le salarié atteint du Covid-19 en aurait subi des séquelles graves ou en serait décédé.

Sans être acquises en toutes circonstances, il ne peut être totalement exclu que ces qualifications soient retenues par les juges dans le contexte de la crise sanitaire actuelle, les amenant alors à statuer sur la faute inexcusable éventuellement commise par l’employeur.

Une telle faute suppose d’établir que ce dernier a manqué à son obligation de sécurité et n’a pas pris les mesures nécessaires pour le préserver d’un danger dont il avait ou aurait dû avoir conscience.

À cet égard, si l’employeur n’a pas fait respecter les consignes sanitaires du gouvernement, n’a pas mis à jour le DUER ou n’a pas fourni à ses salariés les moyens de prévention requis, ou encore n’a pas réagi rapidement en présence d’une personne présentant les symptômes de la maladie et a laissé les autres salariés travailler à ses côtés sans appliquer les mesures d’isolement, de nettoyage des lieux de travail et d’information des personnes en contact étroit avec le malade, conformément aux préconisations des autorités publiques, les conditions de reconnaissance de la faute inexcusable pourraient se trouver remplies.

De plus, la faute inexcusable sera présumée si le salarié a exercé son droit de retrait en raison d’une situation de travail l’exposant au risque de contamination par le Covid-19 et que le risque s’est réalisé dans les conditions requises pour que soient reconnus un accident du travail ou une maladie professionnelle.

Que faire si un salarié prétend avoir contracté une maladie professionnelle ou être victime d’un accident du travail ?

Dès lors qu’un salarié ayant contracté le Covid-19 demande la reconnaissance d’un accident du travail, l’employeur a l’obligation de transmettre la déclaration à la CPAM dans les 48 heures, mais doit toujours formuler des réserves par exemple en soulignant que la contamination ne se rapporte à aucun fait précis invoqué par le salarié, et qu’aucun autre salarié avec lequel il travaille ne présente des symptômes de la maladie.

Benjamin Louzier
Avocat Associé