L’employeur peut consulter librement des fichiers informatiques et les emails des salariés ne portant pas la mention « personnel » ou « privé »

L’employeur peut consulter librement des fichiers informatiques et les emails des salariés ne portant pas la mention « personnel » ou « privé » 

La Cour européenne des droits de l’Homme a rappelé, le 22 février 2018 (22 février 2018, n° 588/13), la position adoptée avant elle par la Cour de cassation : l’employeur peut consulter librement et sans en informer le salarié un fichier qui n’a pas été identifié comme étant « privé ».

Il en est de même pour les emails.

Les faits :

Un cadre de la SNCF contestait une sanction disciplinaire après que son employeur ait découvert, sur le disque dur de son ordinateur professionnel, de nombreux fichiers images et vidéos à caractère pornographique ainsi que des attestations frauduleuses rédigées au bénéfice de tiers.

En l’espèce, les fichiers consultés par l’employeur, au cours d’une période d’absence du salarié, ne comportaient pas l’ intitulé « personnel » mais uniquement les dénominations « Rires », « Fred P », « Socrif », ou « Catherine ». En revanche, ils figuraient dans un dossier contenu sur un disque dur nommé « D:/données personnelles ».

La décision :

Bien que les fichiers litigieux aient été ouverts par l’employeur en l’absence de l’intéressé, les juges ont écarté toute violation du droit au respect de la vie privée, dans la mesure où ces fichiers n’avaient pas été dûment identifiés comme étant « privés » ou « personnel ».

L’affaire dont était saisie la CEDH avait été tranchée par la Cour d’appel d’Amiens puis la Cour de cassation en 2012, en application de la jurisprudence habituelle selon laquelle les dossiers et fichiers créés à partir de l’ordinateur professionnel et qui n’ont pas été identifiés par le salarié comme étant « personnels » sont présumés avoir un caractère professionnel, de sorte que l’employeur peut y avoir accès hors sa présence (Cass. soc., 18 octobre 2006, n° 04-48.025).

Quant aux fichiers identifiés comme personnels, ils ne peuvent être ouverts qu’en présence du salarié ou si celui-ci a été dûment appelé, sauf risque ou événement particulier (Cass. soc., 17 mai 2005, n° 03-40.017).

Concernant la mention « données personnelles » d’un disque dur, ni les juges d’appel ni la  Cour de cassation n’ont reconnu une protection particulière à ce fichier:

« La dénomination donnée au disque dur lui-même ne peut conférer un caractère personnel à l’intégralité des données qu’il contient ; la cour d’appel, qui a retenu que la dénomination “D:/données personnelles” du disque dur de l’ordinateur du salarié, ne pouvait lui permettre d’utiliser celui-ci à des fins purement privées et en interdire ainsi l’accès à l’employeur, en a légitimement déduit que les fichiers litigieux, qui n’étaient pas identifiés comme étant « privés » selon les préconisations de la charte informatique, pouvaient être régulièrement ouverts par l’employeur »

En conclusion :

  • un salarié ne peut, en utilisant l’intitulé « D:/Données personnelles », utiliser l’intégralité d’un disque dur censé enregistrer des données professionnelles, pour un usage privé.
  • intituler un fichier « rires » ou par un intitulé indirectement « personnel » ne lui confère pas un caractère nécessairement privé.
  • Un employeur peut ouvrir sans la présence du salarié tout email ou fichier ne comportant pas la mention « personnel ». Il est toutefois recommandé aux employeurs de prévoir dans le contrat de travail, une note de service ou dans le règlement intérieur, que l’entreprise est en droit d’ouvrir ce type de fichier ou email et de contrôler ces documents afin que les salariés en soient informés.
  • Un fichier ou un email portant le mention « personnel » devra être ouvert en présence du salarié (et d’un témoin complémentaire de préférence).

Benjamin Louzier
Avocat Associé

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